Taa nsulaing rama kuup alkwsi?

Dans la baie de Bluefields à quelques heures de navigation au sud se trouve une île minuscule sur laquelle vivent les Ramas (1). Les Ramas, peuple indigène de la côte caraïbe à la langue menacée d’extinction (2). D’illustres linguistes se battent pour sa sauvegarde, en particulier la mère des fondateurs de blueEnergy dont le premier projet de turbine était destiné aux Ramas. Comme la baie de Bluefields est petite!

Il existe à Bluefields un projet de revitalisation de la langue Rama, avec un centre où sont dispensés des cours pour tous ainsi qu’une partie portant sur la musique Rama. J’ai proposé mes services de mélomane en appui. Et me voilà embarqué dans le projet, avec Maïté, autre volontaire travaillant dans l’équipe sociale de blueEnergy et en intérim au projet Rama. Dans l’espoir de collecter des musiques et chansons traditionnelles nous nous embarquons un samedi dans un cayuco (canot creusé dans un tronc d’arbre, très instable!) pour Rama Cay, muni d’un enregistreur, de hamacs et de ma guitare (on ne sait jamais…).

Après deux heures, l’île apparaît: une petite touffe de palmiers, manguiers et arbres à pain d’où dépassent quelques maison. Cette île, bien que surpeuplée (plus de 2000 personnes y vivent!), est la terre sainte du peuple Rama, et les gens continuent à s’y entasser. Les habitations sont similaires aux autres communautés alentour: cases de planches sur pilotis recouvertes de tôle ondulée, contenant en général deux ou trois pièces.

De blog

Arrivee sur l ile. Maisons, cayuco et toilettes pas seches.

 

Quand nous arrivons tout le monde nous observe par les portes ou fenêtres. Ici, tout se sait vite. Nous posons nos affaires chez notre hôte et il nous mène chez Bidwell, un musicien, en zigzaguant entre les maisons sur un des chemins en béton qui sillonnent l’île.

 

La nuit tombe, nous discutons en créole sur son balcon (presque personne ne parle plus le Rama). Puis il sort sa guitare et nous commençons à jouer. La nuit tombe. Nous rejoignent peu à peu d’autres personnes avec leurs instruments. Au final un formidable boeuf s’improvise sur ce balcon, avec trois guitares, une chanteuse, une contrebasse mexicaine, une carapace de tortue (en percussion). Entre les larges feuilles de l’arbre à pain, on aperçoit le ciel rempli d’étoiles. Moment festif, la musique attire des curieux que l’on devine autour dans la pénombre.

Le boeuf chez Bidwell (a gauche)

le bassiste

Le lendemain, nous réunissons encore une fois le groupe pour un nouvel enregistrement. Un des guitaristes me montre sa guitare, qu’on lui a offert quand il avait 18 ans. Lui en a 65, mais la guitare est en bon état et se remet à sonner une fois les cordes tendues. Des enfants de tous âges observent des balcons alentour. Très vite l’heure du départ arrive et nous devons repartir de ce lieu unique si attachant. Et nous embarquons dans le même cayuco qui menace de se remplir à chaque vague ou de se renverser à chaque mouvement. Après deux heures de navigation, trempés et fatigués, comme dans tout retour de communauté, nous retrouvons Bluefields qui nous apparaît comme la grande ville moderne. Hum… tout est relatif.

1)La côte caraïbe du Nicaragua est composée principalement de 6 groupes ethniques:

-les mestizos (65% - mélange espagnols/indigènes) : parlent espagnol

-les miskitus (23%): parlent miskitu

-les créoles (9%- descendants des esclaves africain): parlent anglais

-les sumus (2%): parlent sumu

-garifunas (0.5% - mélange esclaves africains/indigènes): parlent garifuna

-les Ramas (700 pers.): parlent surtout anglais

Données du CIDCA datant de 1982. Manifestement, les chiffres pour les Ramas sont bien supérieurs aujourd’hui.

 

(2) Selon l’UNESCO, 200 langues ont disparu dans le monde en 3 générations, et 199 ont moins de 10 locuteurs. 80% de la population mondiale parle 83 langues, tandis qu’il en existe 300 000 parlées par seulement 0.2%. Le Rama n’est plus parlé que par 30 personnes, dont deux sur Rama Cay.

La vieille guitare

 

Enfants en train de regarder un match de base ball (l universite de Bluefields contre Rama Cay!). Notez que celle de droite a un poulet sur la tête…

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